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Modules » Volet animaux hébergés dans des vivariums

Enrichissement du milieu

Objectifs du module

  • présenter au lecteur le concept d'enrichissement du milieu
  • discuter des éléments de l'enrichissement du milieu
  • démontrer les effets de l'enrichissement du milieu dans la recherche
  • fournir des exemples d'enrichissement du milieu

Table des matières

Bien-être d'une souris

La souris sauvage comparée à la souris d'expérimentation

Pour débuter, nous proposons un petit exercice. Celui-ci vise à présenter certains sujets qui seront présentés dans ce module. Il vise aussi à encourager le lecteur ou la lectrice à réfléchir sur notre façon de garder les animaux d'expérimentation et sur les points où nous pouvons nous améliorer. Dans cet exercice, nous tentons de comparer le bien-être d'une souris sauvage et d'une souris d'expérimentation sans donner trop de détails sur l'élevage ou sur la vie de l'une ou l'autre. Laissez vos propres réflexions ou perceptions au sujet des deux animaux guider vos réponses. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, mais il peut y avoir des résultats inattendus. Le pointage n'est pas important, comme vous le constaterez dans le commentaire.

La souris sauvage comparée à la souris d'expérimentation

Mesurer le bien-être

L'une des façons d'examiner le traitement que nous accordons aux animaux d'expérimentation est de comparer ceux-ci à leurs congénères sauvages. À titre d'information générale, vous devriez savoir qu'à l'état sauvage, les souris vivent environ 300 jours, alors que les souris d'expérimentation exogames vivent de 600 à 700 jours. Si une jeune souris sauvage était introduite dans le laboratoire, elle pourrait vivre jusqu'à environ 600 jours. Ci-dessous, nous vous demandons de comparer la souris sauvage et la souris d'expérimentation en recourant aux cinq droits définis par le Farm Animal Welfare Council du Royaume-Uni (R.-U.). L'échelle que nous présentons va de - 5 à + 5. Utilisez-la pour indiquer l'idée que vous avez de la façon dont chaque paramètre affecte le bien-être de chacune des souris

Pour chacune des catégories, inscrivez sur un bout de papier un des chiffres de l'échelle pour chaque souris. Peut-être pensez-vous que vous n'en savez pas assez sur chacune des souris pour porter un jugement adéquat, mais vous devez inscrire les chiffres en vous fondant sur ce que vous pensez que chaque souris vit. Tenez pour acquis que la souris d'expérimentation vit dans une animalerie et qu'elle ne fait pas partie d'une expérience.

Si vous voulez imprimer les échelles ci-dessous, vous pouvez télécharger la version PDF . Vous pouvez également imprimer cette page directement à partir de ce site afin de compléter l'exercice.

Commentaire

Lorsque ces tests sont effectués auprès de groupes de bénévoles, nous obtenons tous les résultats possibles. Parfois, les deux tests indiquent que la souris sauvage est dans une situation plus avantageuse alors que, parfois, c'est plutôt la souris d'expérimentation qui est avantagée. Parfois, un des tests indique que la souris sauvage est dans une situation plus avantageuse alors que l'autre test indique que la souris d'expérimentation est avantagée. À l'occasion, les résultats indiquent que les deux souris ont le même degré de bien-être.

Un examen plus minutieux des résultats montre que la souris sauvage est dans une situation plus avantageuse sous certains aspects que la souris d'expérimentation et pire sous certains autres. Par exemple, l'environnement de la souris sauvage est beaucoup plus varié, mais la disponibilité d'une nourriture de bonne qualité y est moins grande que pour la souris d'expérimentation. La différence des pointages totaux peut n'être qu'une illustration de ce qu'un paramètre particulier est mieux ou pire à nos yeux. Ces tests sont donc très subjectifs; nous avons pu projeter notre point de vue anthropomorphique sur la vie de la souris d'expérimentation et de la souris sauvage ou nous avons pu être influencés par une certaine connaissance préalable à leur sujet. Plusieurs personnes sont surprises de leurs propres résultats. Elles admettent souvent que, même si elles ont considéré, selon le test, que la souris d'expérimentation était dans une situation plus avantageuse, la souris sauvage serait peut-être plus avantagée, du moins durant sa vie plus courte.

Cela devrait nous amener à nous demander comment les souris perçoivent l'importance des différents aspects de leur vie quotidienne. Dans les tests, nous avons accordé le même poids à chaque paramètre. Mais il est possible qu'un environnement complexe ait plus de poids que la qualité de l'eau. Peut-être une vie comportant des hauts et des bas durant trois cents jours est meilleure qu'une vie uniforme durant 700 jours.

Aux fins de ce module, ces tests apportent certaines idées différentes au sujet de l'enrichissement du milieu pour les animaux d'expérimentation. En particulier, si nous considérons les catégories de chacun des tests où la souris d'expérimentation était moins bien que la souris sauvage, nous constatons qu'il y a matière à amélioration. Certes, les tests sont subjectifs et il se peut que nous ayons surestimé ou sous-estimé l'étendue des problèmes, mais le fait que nous y réfléchissons est important pour les animaux et pour les études dans lesquelles on les utilise.

Introduction

Une grande partie de nos connaissances sur les effets de l'enrichissement du milieu provient d'études sur les rats et les souris. Nos connaissances proviennent surtout de notre observation des congénères sauvages de nos animaux domestiques et d'expérimentation. Nous reconnaissons que les animaux sauvages ont certains comportements communs. Tous les jeunes animaux courent, sautent et jouent, et cela est important pour le développement des muscles et des os, pour une bonne coordination et pour le développement social et la création de relations. Ils apprennent aussi la discipline auprès des adultes et, s'ils ne respectent pas les consignes, ils seront vraisemblablement punis. Les animaux sauvages de tous âges doivent composer avec les menaces et les privations, p.ex. les prédateurs, les parasites, un manque de nourriture ou une diète peu équilibrée, un abri de fortune contre les intempéries, le froid ou la chaleur excessif et autres. Nos animaux d'expérimentation sont à l'abri de ces problèmes, mais sont-ils mieux ?

Traditionnellement, les animaux d'expérimentation étaient gardés dans des cages qui offraient peu ou pas de stimulation sociale ou physique. L'utilisation de ces cages se justifiait par la réduction de la propagation des maladies, la facilité de l'assainissement, la prévention des combats entre les animaux, la détection rapide de la maladie par l'observation de la consommation d'aliments et d'eau, et ainsi de suite. Toutefois, à cette époque, on se préoccupait peu du bien-être comportemental et psychologique ou du stress provoqué par l'isolement social et la privation physique. On reconnaît maintenant que le bien-être des animaux s'améliore grandement si on leur donne des possibilités d'interaction entre eux et avec leur environnement. De plus, il y a une imposante littérature, qui ne cesse d'augmenter, qui commente les effets néfastes des environnements pauvres sur les résultats des expériences.

Bien que l'expression «  enrichissement du milieu » serve à décrire les efforts qui visent à améliorer les conditions de vie des animaux, on parle en réalité de passer d'un environnement très pauvre à un environnement moins pauvre. Il est peu vraisemblable que le degré de complexité de l'environnement que rencontrent les congénères sauvages ne soit jamais atteint en laboratoire. De plus, il est possible que le bien-être d'un animal n'augmente pas avec ce que nous pensons être un environnement complexe accru. Néanmoins, les espèces sauvages sont souvent considérées comme la norme à partir de laquelle on mesure l'environnement de l'animal captif. Certains allèguent que les animaux sauvages et d'expérimentation ne sont plus les mêmes sur le plan comportemental, toutefois beaucoup des comportements observés chez les animaux sauvages se retrouvent chez les animaux d'expérimentation.

La présence d'une variété normale de comportements et l'absence de comportements anormaux ou répétitifs sont une indication raisonnable que l'animal compose avec son environnement. Pour porter de tels jugements, nous devons être en mesure de reconnaître les comportements normaux et anormaux. Les espèces qui sont des proies dans la nature révèlent rarement qu'elles ont mal, car ce serait une invitation à la prédation.

Un autre moyen d'évaluer le bien-être est de recourir aux cinq droits définis par le Farm Animal Welfare Council du R.-U. Ces droits ont été définis pour aider les agriculteurs dans l'élevage des animaux. Cependant, ces droits s'adaptent facilement à d'autres animaux et plusieurs groupes les ont adoptés, y compris l'Association mondiale vétérinaire et les sociétés de protection des animaux.

Les cinq droits sont :

  1. le droit de manger et de boire (par un accès immédiat à de l'eau fraîche et à une diète qui favorise le maintien de la santé et de la vigueur);
  2. le droit de ne pas vivre dans l'inconfort (en offrant un environnement adéquat, y compris un abri et une aire de repos confortables);
  3. Le droit de vivre sans la souffrance, les blessures et les maladies (par la prévention ou par un diagnostic et un traitement rapides);
  4. Le droit d'exprimer un comportement normal (en offrant un espace suffisant, des installations adéquates et la compagnie d'animaux de la même espèce);
  5. Le droit de vivre sans la peur et la détresse (en assurant des conditions et un traitement qui évitent la souffrance mentale).

Ces droits sont assez généraux pour s'appliquer à toutes les espèces animales et pour permettre une interprétation selon les espèces. Il faut les appliquer avec prudence en s'appuyant sur la compréhension de la biologie de chaque espèce et il faut prendre garde de recourir à ses propres idées pour en faire des normes. Par exemple, il est habituel de garder les porcelets nouvellement sevrés à une température d'environ 27° C le jour et la nuit. Cependant, lorsque les porcelets ont la possibilité de contrôler eux-mêmes la température, ils préfèrent une température d'environ 29° C le jour et 15° C la nuit.

Des termes comme « inconfort » nous font réfléchir sur les conditions de vie des animaux et, alors que nous avons tendance à penser à la chaleur et au froid extrêmes ou aux conditions humides ou sèches extrêmes, il existe des catégories d'inconfort entre ces extrêmes, comme notre propre expérience nous le démontre. Une chambre fraîche n'est pas confortable si nous ne portons pas des vêtements adéquats. Un animal sans fourrure et qui n'a pas les moyens de se construire un nid ou qui ne peut se pelotonner contre d'autres individus peut éprouver de l'inconfort, même aux températures normalement recommandées dans les installations pour animaux.

Nous pouvons présumer, compte tenu de nos connaissances actuelles, que nous répondons aux besoins en matière de santé, de nutrition et d'environnement général de l'animal d'expérimentation dans les installations actuelles. Le principal défi pour nous consiste à leur offrir des possibilités sociales et physiques afin de vivre et de se comporter d'une manière normale. Pour ce faire, nous devons avoir une certaine connaissance de ce dont un animal particulier a besoin en se fondant sur la compréhension de ses préférences. Tous les animaux ont besoin d'interactions sociales, bien que pour certains cette interaction soit intermittente et ne se produise que dans les périodes de reproduction. La plupart des animaux sauvages occupent leurs journées à chercher de la nourriture et de l'eau. Les petites espèces animales ont à faire face à la menace de la prédation, y compris celles hébergées dans les laboratoires, où nous en sommes les prédateurs. Le fait d'être effrayé sans avoir aucun moyen de se protéger est une expérience stressante. Le manque d'espace ou de structure pour l'exercice ou la possibilité de jouer est nuisible pour le développement et la santé des os et des muscles chez les jeunes animaux.

Voici donc les facteurs principaux dont il faut tenir compte :

  • les occasions de socialiser, ou non;
  • les possibilités de passer le temps durant les heures d'éveil;
  • les possibilités de se cacher;
  • les possibilités et les structures pour faire de l'exercice.
Occasions de socialiser ou non
Souris à l'intérieur d'un igloo fabriqué de plastique rouge

Les animaux totalement isolés sont reconnus pour être différents des animaux hébergés en groupe. On le voit même avec des animaux de compagnie comme les chiens. Un chien qui vit dans une famille et qui a peu d'interaction avec ses congénères se comporte différemment d'un chien qui a eu l'occasion de socialiser avec d'autres chiens. Ce ne sont pas tous les animaux qui veulent vivre en groupe et il peut ne pas être souhaitable d'avoir des groupes où les deux sexes sont ensemble. L'agression peut être un problème dans le cas de certaines espèces et souches, mais il est possible de la réduire ou de la prévenir si l'environnement est suffisamment complexe. Les obstacles à la vue peuvent suffire à enrayer les activités agressives au sein d'un groupe. Dans un groupe, l'animal devrait avoir la possibilité de socialiser ou non. C'est souvent difficile à faire dans une petite cage, mais il est quand même possible de répartir celle-ci en zones séparées. Par exemple, l'utilisation de petits abris dans une boîte à souris permet à certaines de se trouver à l'intérieur de ces abris et, à d'autres, à l'extérieur.

Possibilités de passer le temps durant les heures d'éveil

La recherche de nourriture, le fait de rassembler des matériaux pour construire les nids, de jouer, de se déplacer, d'explorer, etc., voilà autant d'activités qui aident à passer le temps. L'environnement de la plupart des cages ne permet pas ces activités. Les aliments très nourrissants que nous donnons aux animaux leur permettent de consommer leurs rations quotidiennes avec très peu d'efforts. Les singes qui doivent trouver leur nourriture gaspillent moins que ceux qui y ont accès facilement. Les aliments disponibles sur le marché contiennent tous les éléments dont un animal a besoin, mais ils peuvent avoir peu de palatabilité et, certainement, peu de variété. Il est possible de varier la diète de la plupart des animaux d'expérimentation sans imposer une autre variable à l'étude, et ce, en y ajoutant de petites gâteries. Ces gâteries déclenchent des stimuli additionnels sur les plans tactile, olfactif et gustatif.

Le matériel des cages, les matériaux de construction de nids et autres permettent à l'animal d'interagir avec son environnement et, dans certains cas, de le manipuler. Le matériel ou les matériaux qui se trouvent dans la cage devraient répondre adéquatement aux besoins de l'animal au plan comportemental. Par exemple, les perchoirs pour les oiseaux devraient être de la bonne taille ou de différentes tailles pour que les oiseaux puissent choisir celui qui leur semble le plus confortable.

On donne souvent des jouets pour que les animaux puissent jouer, mais ces jouets devraient avoir une certaine pertinence, car, autrement, ils seraient négligés rapidement. Certains animaux, entre autres les rats, peuvent ne pas aimer les nouveaux jouets, particulièrement s'ils ne remplissent aucune fonction apparente, auquel cas ils seraient enterrés. L'imprévisibilité d'un autre animal peut offrir la diversion nécessaire pour prévenir le développement des comportements répétitifs qui s'installent lorsqu'il n'y a rien à faire. Il a été démontré que les rats travaillent plus fort pour accéder à un autre rat qu'à leur jouet favori.

Le comportement exploratoire est un élément important de la routine quotidienne de plusieurs jeunes animaux, particulièrement chez les rongeurs. Cette activité a souvent été étudiée chez les rats et on reconnaît qu'il y a des différences comportementales évidentes entre les rats qui ont eu la possibilité d'explorer, par exemple, dans un environnement complexe, et ceux qui ont été élevés dans un milieu simple. Les rats qui ont été élevés dans une simple cage se lèveront et regarderont à l'extérieur lorsque le dessus de la cage est enlevé. Ils chercheront rarement à quitter la cage. Cependant, les rats qui ont vécu dans un milieu complexe vont saisir l'occasion d'explorer la pièce si la cage est ouverte.

Possibilités de se cacher
Un petit singe se cachant derrière un tronc d'arbre

La plupart des animaux d'expérimentation apprécient disposer d'un endroit où se cacher, que ce soit de leurs compagnons de cage, des gens ou lorsqu'ils entendent des bruits inattendus. Même chez les espèces grégaires, les individus peuvent avoir besoin d'un endroit à l'écart. Lorsque c'est possible, les animaux devraient donc avoir un endroit dans la cage où ils se sentent en sûreté. Cela peut être un coin sombre ou un obstacle à la vue (des tubes, des contenants retournés, etc.) qui leur permet de jeter un coup d'oil sans révéler leur présence. Par exemple, les poulets préfèrent les obstacles à la vue qui sont faits de lattes verticales séparées par de petits interstices. Les disputes entre les animaux se terminent souvent lorsque celui qui est poursuivi échappe à la vue de son poursuivant. Les bruits inattendus sont courants dans les animaleries et peuvent surprendre les animaux. La tendance naturelle chez les espèces qui sont des proies est de se cacher tout en cherchant à déterminer la source du bruit. Les imposants visages humains qui s'approchent de la cage peuvent aussi susciter la peur et il est possible que les animaux essaient de trouver refuge. S'il n'y a aucun endroit sûr où se cacher, les animaux seront stressés.

Possibilités et structures pour faire de l'exercice
Plusieurs rats blancs dans une cage à niveaux

L'espace pour faire de l'exercice est important, particulièrement chez les jeunes animaux. Les animaux aiment courir ou sautiller, ce qui est important pour le développement des os et des muscles. L'espace seul n'est pas suffisant habituellement, comme on peut le voir par le va-et-vient de certains félins de grande taille dans les jardins zoologiques. Il devrait y avoir des structures dans l'environnement qui permettent à l'animal de grimper, de s'étirer, de se balancer, et ainsi de suite. Même des structures relativement petites dans une cage serviront à l'exploration. On voit souvent les souris s'accrocher à l'envers à leur mangeoire.

Enrichissement du milieu et résultats de la recherche

L'amélioration de l'environnement n'est pas seulement un raffinement à l'égard des animaux d'expérimentation. Il existe désormais une littérature considérable qui démontre l'influence de l'environnement physique et social sur les résultats des recherches. Une des premières expériences a démontré qu'il y avait épaississement du cortex cérébral ainsi qu'un nombre plus important de ramifications neurales lorsque les rats étaient stimulés socialement et physiquement. Les tumeurs chez les souris isolées croissent plus vite que celles qu'on retrouve chez les souris hébergées avec un nombre normal de congénères. Il a été démontré que l'isolement des souris augmente les effets toxiques de certains médicaments.

Il a été aussi démontré que l'enrichissement du milieu est bénéfique à toutes les étapes de la vie des animaux. Les effets peuvent être différents selon que les animaux sont jeunes ou vieux, mais même les plus vieux animaux en bénéficient. Pour cette raison, il est important de considérer l'enrichissement du milieu comme une variable dans une expérience et d'en tenir compte. Cependant, omettre l'enrichissement du milieu pour réduire le nombre de variables dans une étude n'est pas une option à moins que le chercheur soit prêt à inclure tous les effets néfastes d'un environnement pauvre dans l'étude. Même dans ce cas, il serait difficile de dire que les résultats représentent l'état normal de l'animal. Toutefois, si un chercheur a l'impression que les tentatives d'enrichissement du milieu mettront indûment en péril les résultats d'une étude, ce choix devra être justifié devant le Comité de protection des animaux.

L'enrichissement du milieu comprend plus que l'environnement physique et social d'un groupe d'animaux. Comme nous interagissons avec eux sur différents plans, nous pouvons avoir un effet profond sur leur vie. Nous devrions traiter les animaux de manière à réduire tout inconfort ou stress qu'ils peuvent ressentir entre nos mains. Tout enrichissement du milieu ne sera d'aucune valeur si un animal craint l'arrivée d'un humain près de sa cage. Il peut ne pas s'agir seulement de la présence d'une personne, mais aussi des odeurs et des sons associés à une procédure expérimentale, par exemple.

Nos activités dans les installations pour animaux peuvent déranger, même si elles ne touchent pas nécessairement les animaux. Le bruit les dérange et nous devrions réduire les bruits insolites dans la mesure du possible. Par exemple, les animaux peuvent être dérangés si certaines personnes sont agitées et ont l'air d'être en situation d'urgence, si les portes claquent et les objets tombent au sol. L'équipement, tel les lave-cages, les aspirateurs, etc. peuvent également déranger, particulièrement dans le cas des femelles gestantes.

Si nous tentions de voir les choses comme les animaux peuvent les voir, nous serions probablement plus en mesure d'améliorer leurs conditions de vie. Ainsi les personnes qui travaillent avec les animaux, particulièrement les techniciens en santé animale, se sentent gratifiées lorsqu'elles voient les animaux réagir positivement à leur environnement enrichi.

Il faut souligner que le changement d'environnement d'un animal, qu'il s'agisse de lui donner une cage propre dépourvue d'odeurs familières ou des objets qui enrichissent son milieu, est une variable dont il faut tenir compte. Il est alors important de ne pas apporter de changements à l'environnement sans l'accord du chercheur principal et, si des changements sont apportés, ils devraient l'être de façon uniforme pour tous les animaux touchés par l'étude. Il faut se rappeler qu'il peut y avoir des effets à l'appauvrissement de l'environnement; par exemple, si les animaux passent d'une installation dont les environnements sont très complexes à une installation où la complexité est réduite.

Exemples d'enrichissement du milieu I

Ci-dessous, nous présentons une série d'exemples d'environnements enrichis pour les animaux. La forme d'enrichissement offerte pour une espèce devrait tenir compte du milieu normal de cette espèce et de la façon dont elle interagit avec son environnement. Il n'est pas nécessaire ou généralement impossible, de reproduire exactement l'environnement naturel, mais les substituts devraient permettre à l'animal d'avoir autant de comportements naturels que possible.

On peut trouver d'autres exemples d'enrichissement du milieu dans la littérature, tel Comfortable Quarters for Laboratory Animals. Eds. Viktor and Annie Reinhardt.

La publication intitulée Manuel sur le soin et l'utilisation des animaux d'expérimentation du CCPA, Vol. 1, 2e éd., comprend une partie sur les Besoins sociaux et comportementaux des animaux d'expérimentation (chapitre VI).

Exemples d'enrichissement du milieu II (souris)
Plusieurs souris jouant autour d'une bouteille de verre

Même une simple bouteille de verre offre un changement dans l'environnement d'une souris hébergée dans une petite cage. Dans ce cas, la souris et sa progéniture utilisent la bouteille comme lieu de nidification. Dans certains cas, les souris utilisent la bouteille comme urinoir, ce qui permet de garder la cage au sec et propre. Si cela se produit, il faut changer fréquemment la bouteille. Les souris ne l'utiliseront plus dès qu'elle contiendra une quantité trop importante d'urine et elles en bloqueront l'entrée.

Exemples d'enrichissement du milieu III (rats)
Rats blans dans une bac avec division

Une division dans la cage, comme celle que nous voyons ici, permet à la souris d'utiliser différentes « pièces » à des fins différentes. Dans ce cas, l'une des petites pièces a été choisie pour y installer le nid. Il est important d'offrir aux souris des matériaux pour qu'elles puissent se construire des nids. Cela ne s'applique pas seulement aux femelles, puisque les mâles construisent aussi des nids. Dans la plupart des cas, les souris choisissent une des petites « pièces » de la cage.

Exemples d'enrichissement du milieu IV (rats)
Rats blans dans un bac avec division pour créer des compartiments

Cette structure bleue en plexiglas a été introduite dans un grand compartiment d'environ 100 cm X 160 cm pour fournir aux rats un objet sur lequel jouer ou faire de l'exercice. Il y avait 20 rats pesant environ 200 g chacun dans le compartiment.

Cette photo a été prise le matin lorsque la plupart des rats se reposaient. Il y a 20 rats dans cette photo et l'espace où la plupart se reposent est d'environ 1 000 cm2. (Le CCPA recommande un espace minimum de 250 cm2 pour un seul rat de plus de 150 g.) Les rats peuvent se coucher les uns sur les autres, mais ils ont besoin d'espace pour les autres activités. L'effet d'entassement se produit lorsque l'espace est si limité que les animaux ne peuvent s'éloigner les uns des autres, et ainsi provoquer une situation stressante.

Exemples d'enrichissement du milieu V (rats)
Rats blans dans un bac avec division à la verticale

C'est la même structure que dans l'illustration précédente. La structure a été placée à la verticale quelques minutes avant que la photo soit prise. Les rats ont démontré deux comportements que nous devrions tenter de favoriser. Ils cherchaient à se cacher sous quelque chose et à explorer. Les rats, particulièrement les jeunes, utilisent n'importe quelle structure installée dans leur cage pour jouer, explorer, se cacher, etc. Il n'est pas nécessaire de leur fournir exactement ce qu'ils trouveraient dans leur environnement naturel.

Exemples d'enrichissement du milieu VI (cobayes)
Cobayes dans un grand bac

Ces cobayes sont hébergés dans de grands compartiments où des copeaux jonchent le fond. Ils ont des endroits où se cacher lorsqu'ils sont surpris et ils reçoivent du foin pour fourrage.

Exemples d'enrichissement du milieu VII (lapins)
Lapin blanc dans un grand enclos

Ces lapins sont hébergés en groupe comme l'exigent les espèces sociales. Ils ont des endroits où se cacher et des étagères sur lesquelles grimper. La litière leur permet de « creuser », bien qu'ils ne puissent creuser des terriers. Ils se nettoient les uns les autres et ont des interactions amicales. Il est possible de garder les femelles de cette façon en tout temps, mais les mâles commenceraient à se battre à leur puberté.

Exemples d'enrichissement du milieu VIII (furets)
Ferret hiding in a blue plastic tube

Les furets sont des animaux enjoués qui aiment courir, faire des culbutes et se cacher. Même des structures simples peuvent les amuser. Les sacs de nourriture vides qu'on voit ici leur permettent de courir à l'intérieur, de faire des culbutes et de sortir en courant. Trois furets qui s'étaient échappés de leur enclos et qui avaient déclenché les alarmes de sécurité ont été capturés en plaçant un sac sur le plancher. Le rapport du service de la sécurité décrivait la capture des trois bandits masqués.

Exemples d'enrichissement du milieu IX (chats)
Deux chats couché ensemble dans un petit bac

Ces deux chats ont un grand enclos intérieur qui comporte un accès à l'extérieur. Ils ont des zones de repos séparées, mais préfèrent se coucher ensemble. Il est important d'offrir aux animaux autant de choix qu'il est possible; dans ce cas, le choix d'être ensemble ou d'être séparés. Ces chats ont aussi des planches à griffes et d'autres jouets dans leur enclos. Les animaux ne s'entendent pas nécessairement bien en tout temps. Il est donc important d'offrir aux animaux hébergés en groupe un espace séparé pour qu'ils se retrouvent seuls lorsqu'ils le veulent.

Exemples d'enrichissement du milieu X (mouton)
Des moutins dans un grand espace

Les moutons sont utilisés fréquemment dans les laboratoires et ces animaux qui vivent en troupeau subissent une détresse extrême lorsqu'on les isole. Si l'isolement est nécessaire, il faut faire un effort pour que l'animal isolé puisse voir et sentir ses congénères, sinon le stress de l'isolement aura des effets profonds sur les résultats des expériences.

Exemples d'enrichissement du milieu XI (porcs)
Gros porc noir se faisant gratter par un homme

L'enrichissement du milieu comprend aussi la présence des humains. Certains animaux provoquent une réaction plus forte chez les gens, mais tous devraient être traités avec respect et bienveillance. Ce porc se complaît à se faire gratter le dos et se couche pour se faire gratter l'estomac. Le plancher de l'enclos est recouvert de litière et les animaux passent une grande proportion de leur temps d'activité à la fouiller et à la retourner. Ces porcs ont un enclos extérieur (cour intérieure) où ils urinent et défèquent, ce qui permet de garder la litière intérieure sèche et propre.

Exemples d'enrichissement du milieu XII (singes)
Un singe mangeant une sucette glacée

L'enrichissement du milieu peut comprendre le fait d'offrir une variété d'aliments. Même si les diètes spécialement préparées sont complètes sur le plan nutritif, elles ne sont généralement pas très appétissantes. Ce singe a reçu une sucette glacée, mais on peut aussi lui donner du Jell-O® ainsi que des fruits et des légumes sans risquer de causer un déséquilibre dans sa diète. Certaines de ces gâteries supplémentaires peuvent servir à administrer un médicament lorsque c'est nécessaire.

Exemples d'enrichissement du milieu XIII (singes)
Deux singes assis, l'un d'eux buvant du jus provenant d'une seringe

Le dressage des animaux pour qu'ils s'administrent eux-mêmes les médicaments est un prolongement de l'utilisation de la nourriture. On a donné à ce singe une seringue qui contient du jus dans lequel se trouve un médicament. Le singe ingérera le jus volontairement. Bien que nous puissions forcer la plupart de nos animaux d'expérimentation à faire ce que nous voulons, il est toujours mieux de compter sur leur collaboration. Le degré de stress chez les animaux, les techniciens et les chercheurs est moindre lorsqu'il n'est pas nécessaire de forcer les animaux. Les singes et les chiens ont été dressés à présenter leurs bras ou leurs pattes pour les prélèvements sanguins. Le dressage exige de la patience, mais cela en vaut la peine tant pour les animaux que pour les chercheurs.

Exemples d'enrichissement du milieu XIV (singes)
Old Bill le singe mangeant de la salade

« Vieux Bill » vit dans un grand enclos dans lequel il y a des billots où il peut grimper et s'asseoir. Il reçoit différents aliments qu'il a lui-même sélectionnés comme ses favoris. La nourriture est placée de manière à ce qu'il grimpe et effectue de l'exercice chaque jour. Le plancher de l'enclos est couvert de litière qui contient des graines de tournesol, des raisins ou des arachides de telle sorte que Bill passe une grande partie de son temps à fourrager comme il le ferait en liberté. Il est âgé d'environ 20 ans. Son pelage s'éclaircit, mais il conserve encore un intérêt pour la femelle qui se trouve dans l'enclos voisin.

Les exemples d'enrichissement du milieu ci-dessus donnent une idée de l'éventail des améliorations qui peuvent être apportées dans la façon d'héberger et de traiter les animaux. Plusieurs animaux d'expérimentation n'ont pas été mentionnés, mais, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il ne faudrait pas garder les espèces dans des milieux qui ne répondent pas à leurs besoins sociaux et physiques de base. Cela s'applique à tous les animaux, mais c'est tout particulièrement important pour les animaux sauvages gardés en captivité. Cependant, même les animaux qui ont été élevés en captivité depuis plusieurs générations conservent plusieurs des traits de leurs congénères sauvages. Les souris et les rats d'expérimentation demeurent des proies et continuent de se comporter pour se protéger de la prédation. Ils ont besoin d'endroits sûrs dans leur cage où ils peuvent se cacher. Nous devons nous rappeler que les souris ne sont pas de petits rats. Dans la nature, les rats sont des prédateurs des souris. Nous ne pouvons garder les souris et les rats dans un lieu où ils partagent le même air, car les phéromones des rats causeront la détresse chez les souris.

Oiseaux
Deux poulets dans un grand enclos

Les poulets, les cailles, les canards, les dindes et d'autres oiseaux sont souvent utilisés en recherche. Il y a souvent des divergences entre les pratiques d'hébergement de l'industrie pour oiseaux, notamment les poulets, les cailles, les canards et les dindes, et les pratiques d'hébergement d'oiseaux pour la recherche. Il est courant que les chercheurs invoquent la nécessité d'effectuer leur recherche en recourant aux mêmes conditions d'hébergement des animaux utilisées dans l'industrie pour que les résultats de la recherche soient applicables. Plusieurs des normes de l'industrie en ce qui concerne la façon d'héberger ces oiseaux font l'objet d'un examen, au sein même de l'industrie et parmi le public qui achète ses produits. Par exemple, plusieurs consommateurs sont préoccupés par le système de cages pour abriter les poules pondeuses et il y a eu plusieurs tentatives ces dernières années pour se tourner vers des abris plus acceptables (p. ex. les parcours libres et les volières). Dans les établissements de recherche, on doit egalement offrir des environnements modifiés et enrichis aux oiseaux et éviter les conditions de l'industrie, qui peuvent s'avérer stressantes.

Quatre colombes percheés sur une branche dans un enclos

Ce ne sont pas tous les oiseaux qui ont besoin d'espace pour voler, mais les volières pour les pigeons d'expérimentation aident à maintenir leur santé. La plupart des oiseaux aiment picorer et gratter la terre battue pour y chercher leur nourriture. On dit que les poulets passent jusqu'à 50 pour cent de la journée à chercher leur nourriture de cette manière. De plus, ils consomment une variété beaucoup plus grande d'aliments que ceux qui sont gardés dans de petites cages où on leur sert une diète préparée.

La plupart des oiseaux prennent des bains de poussière ou d'eau, et c'est là un élément important de leur comportement pour leur entretien. La plupart des oiseaux se perchent et on devrait leur en donner la possibilité.

Autres animaux

Les poissons, les amphibiens et les reptiles sont des animaux d'expérimentation souvent utilisés. Bien qu'il y ait eu peu de recherche effectuée sur ces espèces sur le plan de l'enrichissement du milieu, il existe une information considérable sur leur élevage en captivité et leur comportement en liberté. Il est raisonnable de tenter d'offrir à ces animaux une certaine forme d'enrichissement du milieu. Cela varie grandement selon les espèces. Les petits poissons peuvent, par exemple, bénéficier d'un endroit où se cacher, même si la prédation n'est pas une menace dans un aquarium où on ne retrouve qu'une seule espèce. Les endroits pour se cacher peuvent être des cavités sur le fond ou des plantes aquatiques. Les mouvements imprévisibles des plantes, même artificielles, peuvent stimuler et créer de la nouveauté pour les poissons. Il peut être nécessaire de couvrir certains côtés des aquariums pour que les poissons ne soient pas continuellement effrayés par la vue des humains ou des silhouettes qui passent.

Les reptiles et les amphibiens ont des exigences particulières selon les espèces. Comme ce sont des animaux à sang froid, ils sont en quelque sorte plus dépendants de leur milieu physique pour répondre à leurs besoins. Il est important de concevoir les environnements pour qu'ils répondent aux exigences de l'animal, et ce, en se fondant sur l'observation des animaux sauvages. Si on héberge les animaux en groupe, il faut considérer les questions de territorialité, de hiérarchie, etc. Plusieurs reptiles exigent des températures différentes en fonction de leurs activités. Il faut donc des refuges plus frais à l'intérieur de leur environnement. Les amphibiens et les reptiles ont besoin d'endroits où ils peuvent se cacher. Les animaux grimpeurs devraient avoir des possibilités de grimper. Les animaux sauvages qui passent du temps dans l'eau devraient pouvoir le faire dans le laboratoire. Il s'agit de chercher à offrir les meilleures conditions selon les espèces afin de satisfaire leurs besoins comportementaux les plus importants.

Résumé

Dans le passé, les animaux étaient gardés dans des cages ou des enclos qui leur fournissaient très peu de substrat pour manifester plusieurs de leurs comportements naturels. L'enrichissement du milieu est une expression qui couvre un large éventail d'ajouts ou de modifications à l'environnement pour permettre aux animaux de mener une vie qui comporte une plus grande variété. Bien que plusieurs des changements s'appliquent à l'environnement physique, les changements sur le plan social sont importants aussi. Les possibilités sociales comprennent les interactions avec les humains. L'un des grands avantages de l'enrichissement du milieu est la réduction du stress chez les animaux, ce qui influence positivement les projets de recherche où ils sont utilisés.

Note :
Les exigences en matière de formation pratique et de compétence des personnes qui utilisent des animaux en science doivent être déterminées par les comités de protection des animaux des établissements, en collaboration avec les personnes chargées de la formation et des cadres responsables de l'établissement.

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